Chaque année au mois d’octobre, la journée mondiale contre la douleur est mise à l’honneur, une bonne occasion pour nous, d'approfondir un sujet qui touche tout le monde.
En effet, deux français sur trois consultent leur médecin régulièrement pour des douleurs. Cette dernière fait l'objet de nombreuses études cliniques nécessaires à la compréhension des mécanismes en jeu, pour permettre l'élaboration de nouveaux traitements.
Qu'est-ce que la douleur ?
Selon la définition officielle de l’Association internationale pour l’étude de la douleur (IASP), il s’agit d’une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable associée, ou ressemblant, à celle d'une lésion tissulaire réelle ou potentielle.
Tout être vivant est amené, un jour ou l'autre, à percevoir la douleur. C'est une sonnette d'alarme qui indique que quelque chose dans l'organisme de l'individu fonctionne mal.
Il s'agit d'un symptôme dont le ressenti est très subjectif et qui peut être extrêmement différent selon les individus suivant le contexte dans lequel la douleur survient.
Bien qu'elle soit subjective, des outils tels que les questionnaires et les échelles de douleur permettent d’en décrire les manifestations, et d’en mesurer l’intensité ainsi que l’impact sur la qualité de vie. En effet, tous ces paramètres peuvent largement moduler la perception douloureuse et démontrent l'existence d'un lien étroit entre « Douleur » et « contexte psychosocial ». D'ailleurs l’imagerie cérébrale montre que les centres cérébraux responsables de la perception de la douleur sont liés aux centres des émotions !
De plus, il existe dans le cerveau et la moelle épinière, un puissant système de contrôle de la douleur qui fait notamment intervenir des endorphines permettant ainsi de réguler le transfert des informations douloureuses en provenance du corps. Ce système peut être maîtrisé, comme le font les sportifs de haut niveau qui continuent à jouer malgré leur blessure, ou le fakir capable de dormir sur une planche à clous.
La douleur : un repère thérapeutique
Malgré les différences de perceptions du symptôme douloureux, c'est bien grâce à ce dernier que les praticiens émettent un diagnostic. En se renseignant sur la localisation de la douleur (cervicale, lombaire, abdominale...), sur sa nature (brûlure, pincement, tiraillement, douleur sourde, pression...) sur son mode d'apparition (aux premiers mouvements, pendant le sport, après l'effort...) et si la douleur est accompagnée d'autres symptômes tels que fièvre, troubles digestifs, irradiations névralgiques, irruptions cutanées ou autres...
Il est donc nécessaire lors d'une consultation que le patient puisse renseigner ce genre de détails à son thérapeute afin que ce dernier procède à un rapide diagnostic et qu'il puisse mettre en place le traitement le plus adapté.
La durée des douleurs contribue également au diagnostic et modifie parfois la prise en charge.
Aiguë ou chronique ?
La douleur aiguë a un rôle d’alarme et permet ainsi à l’organisme de réagir vite et de se protéger face à un stimulus mécanique, chimique ou thermique. Suite à ces stimulations intenses, un mécanisme de transmission d’informations va être immédiatement déclenché depuis les terminaisons nerveuses (les récepteurs de la douleur appelés nocicepteurs, localisées au niveau de la peau, des muscles, articulations, viscères...) jusqu'au cerveau.
Il existe plusieurs types de nocicepteurs, chacun étant spécialisé dans la transmission d’une sensation particulière : piqûre, brûlure, température, pression… Lorsqu’un danger conduit à leur activation, ces terminaisons nerveuses transforment les informations reçues en impulsions électriques.
Par exemple, dans le cas d’une main posée par inadvertance sur une plaque brûlante, ces impulsions électriques naissent au niveau des nocicepteurs cutanés et se propagent le long des nerfs grâce à l’activation successive des canaux ioniques présents tout le long de ces fibres. Ces canaux constituent d’ailleurs les cibles des produits d'anesthésie.
L’information chemine ainsi via la moëlle épinière jusqu’au cerveau : c’est alors seulement que le signal est identifié et perçu comme étant douloureux.
Cependant, la main a été dégagée de la plaque chauffante par réflexe, avant même ce décryptage, par le biais d'un arc réflexe situé au sein de la moëlle épinière grâce aux neurotransmetteurs comme le GABA ou les endomorphines.
Lorsque la douleur aiguë persiste au-delà de trois mois, elle évolue en douleur chronique et perd alors sa signification de signal d’alarme : la douleur n’est plus un symptôme mais devient une maladie. Entrent dans cette catégorie certaines douleurs musculaires, articulaires, les migraines ou encore des douleurs associées à des lésions nerveuses. Dans ce cas, on les classifie selon les mécanismes physiopathologiques qu’elles mettent en jeu (douleurs inflammatoires, neuropathiques, mixtes (combinant inflammatoires et neuropathiques), ou nociplastiques (liées à l'altération des capteurs de la douleur notamment chez les personnes souffrant de fibromyalgie, céphalées chroniques...)
De grandes avancées dans la compréhension de la douleur ont été accomplies ces dernières années, en particulier concernant les mécanismes en jeu dans la douleur chronique.
Il a aussi été montré que la douleur n’est pas uniquement « neuronale » : les cellules gliales du système nerveux central et certaines cellules immunitaires sont aussi impliquées dans l’apparition des douleurs, en particulier dans celle des douleurs neuropathiques. Si certaines fonctions gliales sont altérées, ces cellules sécrètent des substances (gliotransmetteurs) qui stimulent les neurones sensoriels et exacerbent la douleur.
Comment soulager la douleur ?
Les médicaments
Les douleurs inflammatoires sont aujourd’hui bien prises en charge grâce aux antalgiques de référence : le paracétamol, l’aspirine, les anti-inflammatoires ou encore la morphine et ses dérivés pour les douleurs les plus rebelles. Efficaces contre des douleurs aiguës, ces médicaments présentent des effets secondaires non négligeables (troubles gastriques et rénaux, tolérance et dépendance à la morphine …) s’ils sont utilisés de façon prolongée, voire chronique.
Les douleurs neuropathiques, liées à une lésion du système nerveux périphérique ou central, répondent très mal aux antalgiques précédents, à part à certains opioïdes. Mais, les effets secondaires à long terme de ces derniers ne permettent pas de les utiliser en cas de douleurs chroniques. De ce fait, les principaux traitements aujourd’hui utilisés pour la prise en charge des douleurs neuropathiques sont des antidépresseurs et des antiépileptiques. Si ces deux types de médicaments présentent moins d’effets indésirables, ils n’ont qu’une efficacité modérée, et observable chez seulement environ 50% des patients. Des traitements locaux peuvent également être utilisés sous forme de patchs (anesthésiques locaux ou capsaïcine) ou d’injections lorsque la douleur n’est pas trop étendue.
Pour permettre une prise en charge sur mesure, des marqueurs de réponse biologiques, génétiques, cliniques sont recherchés : ils permettront d’éviter, non seulement de traiter inutilement certaines personnes avec une molécule inefficace chez eux, mais aussi de passer à côté de sous-groupes de patients répondant à une nouvelle approche thérapeutique. Ces marqueurs sont issus de résultats de tests psychophysiques qui permettent une évaluation très fine des symptômes, pour distinguer des sous-types de patients présentant a priori un même type de douleur. Une fois identifiés ces marqueurs sont utilisés pour savoir si un patient qui souffrent de douleurs neuropathiques doit bénéficier d’un traitement par antidépresseurs ou par antiépileptiques.
La toxine botulique sert aussi depuis peu pour lutter contre les douleurs neuropathiques périphériques, lorsque les traitements précédents n’ont pas été suffisamment efficaces. Son administration, par injections sous-cutanées, a une durée d’action de trois mois (parfois plus), sans effet indésirable notoire. Mais de par son mode d’administration, la toxine botulique reste réservée aux douleurs neuropathiques superficielles qui ne concernent pas un territoire trop étendu. Son utilisation pourrait être prochainement élargie à certaines migraines chroniques.
Le cannabis à usage médical est lui-aussi utilisé pour le traitement de douleurs réfractaires dans différents pays.
La neuromodulation transcutanée électrique externe (TENS) est une technique dans laquelle des électrodes collées sur la peau peuvent soulager les douleurs en regard.
La stimulation électrique médullaire est par ailleurs utilisée depuis de nombreuses années, notamment chez des patients atteints de lombosciatiques chroniques. La technique consiste à implanter des électrodes le long de la dure mère (membrane qui entoure la moelle épinière) qui sont ensuite reliées à un stimulateur, lui-même implanté sous la peau du patient au niveau de l’abdomen. Le système est contrôlé par une télécommande externe qui permet au patient de déclencher des stimulations quand la douleur augmente. Ces stimulations brouillent le message douloureux et réduisent son intensité.
Les traitements non pharmacologiques
La neuromodulation transcrânienne cérébrale est en plein développement. Elle vise à interagir avec le mécanisme de contrôle de la douleur par une stimulation de nature magnétique ou électrique. Ces approches sont développées contre des douleurs sévères et résistantes aux autres traitements. L’approche magnétique présente l’avantage de ne pas nécessiter l’implantation d’électrodes dans le cerveau. Cette technique donne de bons résultats dans la fibromyalgie mais aussi dans le traitement des douleurs neuropathiques, sans effets secondaires. Des études ont montré que l’efficacité de cette approche peut durer au moins 6 mois chez certains patients.
Acupuncture, relaxation, sophrologie, magnétothérapie(lien vers article sur la magnétothérapie) ou encore hypnose ont pris une place importante dans les centres antidouleur et chez certains patients, elles peuvent parfois aider à diminuer les prises médicamenteuses en contribuant à réduire de façon significative les perceptions douloureuses.